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  • MON AGE, Fabienne Jacob - roman

    mon âge.jpgCliquez sur l'image!

    Présentation de l'éditeur :

    "Quand on entre dans un rêve, un cinéma, un hypermarché, une forêt ou un autre corps, on n'a plus d'âge". Au commencement, il y a une femme qui se démaquille devant son miroir. Quel âge a-t-elle ? Tous les âges et aucun. L'âge de ses expériences. Celles qui font descendre au plus profond de soi, plonger dans la matière rugueuse d'une écorce d'arbre auquel on s'enroule, dans le noir bruissant d'une penderie de maîtresse d'école ou dans une piscine de maison de repos. Que ce soit au fond des cinémas tendus de rouge ou au fond des lits tièdes, le temps n'est pas ce que l'on croit. C'est un tournoiement qui rend toute séduction et tout jugement caducs. Jusqu'à la seule question qui vaille vraiment : celle du temps intérieur. Le seul qui ne passe pas. Fabienne Jacob renoue ici avec l'écriture du corps et des sensations.

    *

    Pressentir dans son corps, dans un geste simple, répété mais inédit ce jour-là celle qu'on sera dans vingt ans, s'en attendrir ; retrouver ses cahiers d'écolière dans le grenier de la maison d'enfance, passer le dimanche à les feuilleter, consciencieusement, comme à la recherche de traces - oui, c'est bien moi, j'étais déjà là toute entière et avoir dix ans le lendemain au réveil, dix ans vraiment, dans son corps, dans sa tête, le temps du réveil ; se regarder dans la glace à vingt ans et se dire qu'on a tous les âges en soi, et que le temps compté n'existe pas.

    Il y a des lieux, il y a des gestes, des parfums, des sons, il y a des circonstances adéquats pour entrer dans ce non-temps. Chacun a les siens. Les livres sont de bonnes portes aussi. Dans celui-ci Fabienne Jacob égrenne les sensations éprouvées du côté des horloges sans aiguilles, à différents âges de la vie. Car il n'y a pas d'âge pour ces sensations-là.

    *

    "A mon retour à la maison, mon fils est venu me rendre visite et m'a trouvée seule à la fenêtre, assise sur une chaise, regardant à travers les croisées. Un  jour blanc jetait des paquets de lumière incertaine dans le salon. Que regardais-je ? Le matin, l'après-midi ou le soir ? L'horloge de mon salon ne m'était d'aucun secours.

    Il est entré, s'est assis en face de moi, alors j'ai pris ma tête dans mes mains et je me suis mise à pleurer.

    - Ca te dérange pas que je pleure ? je lui ai demandé.

    - Non, ça ne me dérange pas. Qu'est-ce qui se passe ? a-t-il répondu.

    - Oh je peux pas te le dire.

    - Je comprends.

    - Oh et puis si, je peux te le dire mais tu comprendras pas. Je jouais à l'école, je faisais rien de mal, j'étais juste avec ce garçon et on faisait rien de mal, il m'a juste demandé de marcher devant lui pendant que lui me regarderait. Et puis tout à coup il m'a demandé de me retourner et il m'a souri. On faisait rien de mal, juste ça, marcher et se retourner et sourire, tu trouves ça mal ?

    Mon fils a fait un signe de la tête qui voulait dire Non il ne trouvait pas ça mal."

    (p.120)

     *

    "Le soir de moisson a pris ses quartiers dans la plaine. L'odeur de pain du blé coupé nous monte à la tête, Else et moi. Dans les champs où le blé n'est pas encore moissonné le vent court comme un fou penchant la pointe des épis, la plaine jaune toute entière ondule, une mer de paille. Le paysage est de plus en plus abstrait, la mobylette suit le tracé noir du macadam, elle fend le monochrome jaune. Else se penche sur la mob pour aller plus vite. Pour accompagner le mouvement, je me penche aussi. La joie est telle qu'elle ne peut rester confinée à l'intérieur de nos corps, il faut que ça sorte. Else se met à chanter une chanson d'amour à la noix, Encore dans mes bras, j'entends une parole sur deux, je reconnais l'air, le vent l'emporte aussi, la plaine tremble dans les poussières de moissons, juillet comme une chatte a ses chaleurs. Le paysage n'est plus qu'un vaste mirage jaune qui pulvérise notre joie en particules fines et odorantes. Else et moi on fait corps avec lui, la vie sera toujours comme ça, on le croit, et même on le chante. Dilatée, chaude et docile. Rien ne se cabrera jamais et rien ne fera jamais obstacle."

    (p.138-139)

    *

    Disponible à la médiathèque donc dès tout de suite, un marque-page "miam" inséré entre ses pages...

    Nathalie