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miam miam - Page 2

  • TIM GINGER, Julian Hanshaw - BD pour adultes

    LE MOT DE L'EDITEUR :

    Ancien pilote d’essai, Tim Ginger passe sa retraite dans une caravane située dans un camping du Nouveau-Mexique. Même s’il est passionné de cricket, sujet de son prochain livre, Tim passe le plus clair de son temps dans ses souvenirs qu’il égrène avec mélancolie, essayant de faire le deuil de sa femme Susan disparue dans un accident et qu’il aimait d’un profond amour.
    Son agent littéraire le contacte de nouveau afin de lancer la promotion de son livre qu’il a écrit sur son expérience de pilote d’essai pour le gouvernement. Il va devoir quitter sa zone de confort et cette situation le fragilise. Il y a dans sa conscience quelque chose qui l’éloigne parfois du monde réel, comme s’il s’envolait de nouveau dans ces cieux qu’il a tant de fois parcourus à bord de son jet et qui le projetait dans un état de transe. Jusqu’à son accident d’avion qui a failli lui coûter la vie.
    Pour la promotion de son livre, il doit participer à une convention avec d’autres auteurs. À cette occasion, un journaliste spécialiste des ovnis le harcèle pour qu’il révèle certaines informations cachées l’accusant de complot avec la CIA. Par hasard, il y rencontre Anna, une connaissance de l’époque de Susan et de ses missions de pilote, qui, elle aussi, signe son propre ouvrage.
    En prenant un verre avec elle, il découvre avec étonnement qu’elle écrit un livre où elle rassemble sous forme de petites bandes dessinées des témoignages de personnes qui ont décidé de ne pas avoir d’enfants. Cette coïncidence le trouble particulièrement le replongeant à l’époque où avec sa femme ils avaient eu ce choix assumé qui choquait néanmoins leurs amis. Avec cette rencontre c’est toute sa nouvelle vie de reclus et ses certitudes qui sont remises en question.

    *

    Tim Ginger a la lenteur de ceux qui ne cherchent plus. On peut croire le personnage désabusé au début. Pris dans une forme de renoncement. & puis l'on comprend que le bonhomme n'a jamais vécu dans l'illusion. C'est juste qu'il a tout eu déjà, du grand amour aux vérités transcendentales. Le premier n'est plus de ce monde ; quant aux deuxièmes, elles semblent inciter à mener son temps sur terre exactement comme il le fait & comme il conseille de le faire au journaliste conspirationniste qui lui reproche en pleine conférence de garder pour lui un secret d'origine extraterrestre découvert lors de l'une de ses opérations de pilote de ligne :

    "J'ai vu des choses dont, à juste titre ou non, je ne suis pas libre de parler. C'est tout. J'ai prêté serment & je suis au moins un homme de parole. Désolé. & puis, franchement, Karl, que feriez-vous de ces informations si je vous laissais me convaincre de divulguer ce que je sais ? Vous abandonneriez tout pour filer dans le désert & vivre dans une grotte ? Parce que c'est à peu près ce que j'ai fait. & croyez-moi, Karl, c'est sacrément pénible de se sentir aussi seul. 

    Vous voulez savoir toute la vérité, Karl ? Sur l'univers. & continuer de faire la queue au supermarché. Ou attendre au téléphone la réponse d'un centre d'appel situé à l'autre bout du monde ? Pourquoi ne pas vous suicider ? Avancer le moment de l'illumination. Anticiper sa venue. Comme la secte Heaven's gate. Ou peut-être est-ce trop extrême ? & vous savez quoi, Karl ? Le comble ? Les dirigeants ne sont pas plus malins que vous. Croyez-moi. Ils n'en reviennent pas que la société ronronne de cette façon. Sans émeutes dans les rues. Ils font leurs quatre ans. Se remplissent les poches. Se choisissent un bon job pour plus tard. & prient pour que rien ne foire pendant leur mandat. On s'inquiète trop. Je m'inquiète encore trop. Il y a déjà trop d'informations là-bas. Vivez la vie que vous aimez, Karl. Choisissez votre Dieu. & ne prenez pas tout trop au sérieux."

    (p.116-118)

    Premier roman graphique publié en français de cet auteur anglais, Tim Ginger charme par son anti-conformisme tranquille & une profondeur de vue qui vous pénètre sans en avoir l'air & vous habite longtemps.

    Lisible &/ou empruntable à la médiathèque

    Nathalie

  • LES AVENTURES DE HUCKLEBERRY FINN, Mark Twain - roman

        Plusieurs fois, au cours de ma lecture des Aventures de Tom Sawyer, je me suis demandée s'il ne s'agissait pas d'une relecture, tant certaines scènes me semblaient familières. Sauf que je savais que je ne les avais jamais lues. Alors, oui, ça ne pouvait être que cela, je connaissais les facéties du gamin du Sud par le dessin animé japonais qui passait en feuilleton à la télévision quand j'étais enfant... & je retrouvais,  intact, le plaisir  de ces aventures d'un autre temps/ autre lieu, des efforts extravagants déployés par Tom pour rendre la vie plus attrayante, tellement plus excitante que les promesses de Paradis assujetties au devoir moral & à l'obéissance.

    Avec la surprise & le bonheur nouveau de découvrir une langue riche, orale, au plus proche des gens décrits, retranscrite à merveille par le traducteur : même en français, on "sent" les différents niveaux de langue & de style propre à chacun-e, on voit les mots écorchés de Tom & de son pote Huck comme autant de réajustements du réel, plutôt que comme un marqueur social. Car c'est bien de cela qu'il s'agit dans les Aventures de Tom Sawyer comme dans celles de Huckleberry Finn, & qui place ce diptyque haut dans l'histoire de la littérature : une vision du monde & de la vie nous est offerte, nous est donnée en actes & en paroles.

    Une vision courageuse, quoiqu'en disent d'aucuns : Mark Twain est de son temps, excusez lapalissade mais justement, il donne à lire en 1884 l'histoire d'un enfant blanc miséreux, maltraité par son père & d'un esclave que sa maîtresse s'apprête à vendre à l'autre bout du pays en l'éloignant de sa femme & de leur progéniture, tous deux en fuite & que le hasard réunit, compagnons d'infortune associant leurs bons coeurs & leurs talents pour retrouver chacun leur liberté (voir plus bas l'interview du traducteur Bernard Hoepffner sur la question raciale).

    Les Aventures de Huckleberry Finn est avant tout l'apprentissage par soi-même, au simple contact de l'autre qu'on croyait littéralement bête (non humain) & avec pour toute jauge son coeur de petit d'homme & son expérience de la vie, de l'antiracisme.

    Une vision romantique, par le personnage de Tom, qui a dû lire les romans d'Alexandre Dumas & de Stendhal & va jusqu'à retarder dangeureusement l'évasion de Jim l'esclave pour l'amour du risque & du beau geste, mais aussi libertaire ou plutôt cynique, pour remonter à une référence plus lointaine : Huck, à la fin des Aventures de Tom Sawyer s'enfuit de la maison qui l'a accueilli pour retourner dormir dans un tonneau que ne renierait pas Diogène & il lègue sa part du trésor trouvé avec Tom au juge qui le gère pour lui. Ce qui lui importe est ce sentiment de légèreté qu'il ne saurait trouver que dans ses pieds nus & la permanence du ciel étoilé bénissant ses nuits...

    Quant à sa conscience, si elle le travaille tout le temps de son escapade avec Jim le long du Mississipi, partagé qu'il est entre le bien agir qu'on lui a appris & ce que son bon sens lui dicte, le menant en bourrique, piège à impuissance, sa grande sagesse lui permet finalement de se laisser traverser sans broncher, pour ne pas pas perdre ses forces vives :

    Mais c'est toujours comme ça ; qu'on fasse le bien ou qu'on fasse le mal, c'est du pareil au même, la conscience de quelqu'un, elle a pas de sens, elle s'empare de lui de toute façon. Si j'avais un de ces chiens jaunes de Caroline qu'en sait pas plus que ce que sait une conscience, je le poisonnerais. Ca prend plus de place que tout le reste, à l'intérieur, & pourtant ça sert à rien, mais à rien. Tom Sawyer, il dit pareil. 

    (p.352)

    Il est bon de commencer sa lecture par les Aventures de Tom Sawyer, manière de raviver des sensations enfantines, rythme effrénné, mortel ennui, ambiance sudiste mais je dois avouer que la révélation s'est réellement produite en entamant les Aventures de Huckleberry Finn qui, derrière la jouissance inentamée de l'aventure, révèle une vraie réflexion sur l'âme humaine, la relation à l'autre & la liberté.

    Une interview du traducteur par le Nouvel Obs'

    De Mark Twain à la médiathèque

    Nathalie

  • 76 CLOCHARDS CELESTES OU PRESQUE, Thomas Viniau - littérature adulte

    La quatrième de couverture dit :

    Le clochard céleste ne dort pas sous la cloche du ciel, il dort dans le ciel, directement. Il dort, mange, boit, chie du ciel, mais il sent toujours la bête, ce mélange d'étoiles et de boue. Ces textes constituent une galerie de sales types, de déglingués et d'allumés, de borderline et bords de route. Des types à qui je ne confierais pas mes enfants mais qui ont plus d'une fois recueilli mon cœur malade derrière les ongles noirs de leurs mots, de leurs musiques, de leurs arts. Des hommes qui, en tombant, ont fait du bien aux autres. Des femmes qui ont sculpté, dans les sucs abjects de l'humanité, les doudous de nos petites nuits tristes. Ils n'ont pas renoncé. Ils n'ont la plupart du temps pas eu trop de chance non plus. Ils ont bringuebalé, sublimes et admirables, crevards dégénérés jusqu'à nos yeux blessés. Ils étaient peut-être malades, mais ce sont eux qui nous ont soignés de beauté, la vraie, la pure, celle qui ne renonce à aucune réalité.

    *

    Rimbaud tendait des chaînes d'or d'étoile à étoile & dansait, Thomas Vinau accroche ses clochards de prédilection sur la page comme autant de lampions dans nos nuits & l'on danse. On est contents  de lire le portrait tout personnel, hyper elliptique & percutant de certains très connus, contents de voir que d'autres secrètement adorés n'ont pas été oubliés, contents d'en découvrir plein : la nuit n'a pas fini de s'éclairer, des frères, des sœurs (si peu pourtant, attendez, je compte, 4, la clochardisation, céleste ou non serait-elle un penchant plutôt masculin ?) de survie, de fatigue & d'illuminations.

    Un livre à picorer donc, un livre qui ouvre la porte à d'autres livres mais pas que : si les écrivains sont présents, on trouve beaucoup de musiciens dans ce dictionnaire troué, de Chet Baker à Robert Wyatt en passant par Karen Dalton.

    *

    Chet Baker justement : "Il faut écouter la douceur avec laquelle cet homme a brûlé." (p.36)

    Ou : " Robert Walser est un promeneur céleste. C'est un aventurier du minuscule. Un explorateur de l'évanescent. Après ses études, Robert Walser a tenté quelques métiers (domestique, employé, secrétaire), mais dès ses premiers succès littéraires d'estime, il cessa de travailler pour se consacrer à ses trois passions : écrire, marcher & disparaître." (p.180)

    Ou encore : "Dado travaille les pierres à l'intérieur des ventres, & les ventres à l'intérieur des pierres. Il se rapproche du graffiti en peignant les murs de son moulin, d'un vieux blockhaus ou d'une ancienne léproserie. Il dit du mot oeuvre qu'il est ridicule & prétentieux, & que son seul travail est d'aller chercher son petit-fils à l'école." (p.67)

    *

    http://www.castorastral.com/livre/76-clochards-celestes-presque/ 

    http://mediathequedeguer.opac3d.fr/search.php?action=Basket&method=admin_view_html&pid=5505

    Nathalie

  • CUL DE SAC, Richard Thompson - BD

    Le mot de l'éditeur :

    De l'autre côté de la Grande Muraille du Silence qui sépare la ville de la banlieue résidentielle, à côté de la voie Cul de Sac, pas loin de la place Cul de Sac, tout près de l'avenue Cul de Sac, se trouve une petite rue appelée Cul de Sac. C'est là que vivent les Otterloop : Alice, petite fille de 4 ans dont le caractère oscille entre candeur et despotisme, Petey, son grand frère, dont la vie est essentiellement rythmée par ses saignements de nez, ses phobies compulsives et ses bandes dessinées, et leurs deux parents. Peter et Madeline.

    Initialement publiée dans le prestigieux Washington Post dès 2004, la série de strips Cul de sac fut rapidement consacrée comme l'une des plus grandes réalisations du genre par ses pairs. Présenté par Art Spiegelman (Maus) comme le digne héritier de Bill Watterson(Calvin et Hobbes), Richard Thompson a remporté en 2015 l'Eisner Award de la Meilleure Publication Humoristique.

    *

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    Premier (gros) volume d'une intégrale (oui, intégrale, définitive, Richard Thompson est décédé en juillet 2016 à pas même 60 ans de la maladie de Parkinson), un volume soigné, format à l'italienne, un pavé, ou une belle brique, de celles lancées par le satané Ignatz Mouse à Krazy Kat dans le sunday strip de l'incontournable George Herriman dont se revendiquent tous les bons auteurs de strips (waouaw, elle est longue cette phrase, c'est même pas une vraie phrase d'ailleurs, dois-je cesser de lire des comic strips ?). D'ailleurs, je mettrais bien ma main à couper que ces deux-là se sont vite retrouvés au paradis des auteurs de strips, quelque part entre la Grande Muraille du Silence & le comté de Coconino, qu'ils se lancent des briques avec amour, sucent du jus de moufle, dessinent des sourires sur des cailloux comme Alice ou passent leurs journées à lire Little Neuro sur leur lit comme son grand frère Petey.

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    Krazy Kat, George Herriman

     Quant au papa de Calvin & Hobbes, il est allé jusqu'à sortir de sa réserve légendaire pour accepter une conversation avec son frère en humour dominical (un an de différence entre les deux lascars) pour le magazine Kaboom (qui vient de cesser ses parutions alors que la médiathèque venait de s'abonner... le n° 14 retranscrivant la conversation est cependant bien là, ouf), conversation dont il signe également l'introduction : "Le récit évite tout autant le sentimentalisme que le cynisme, & propose au contraire une peinture aussi loufoque que personnelle du quotidien. Or, très peu de strips savent jouer cette partition avec autant de subtilité."

    & patati & patata, je ne vais pas m'esquinter à tout vous raconter non plus parce que de toutes façons IL FAUT LIRE CUL DE SAC (aïe, je sens que l'inconséquente tyrannie d'Alice est entrée en moi) & que je vous mets en lien tout ce qu'il faut :

    à la médiathèque

    les premières pages

    Ah si, quand même, un dernier mot, du préfacier prestigieux Art Spiegelman : "Thompson décrit ce qu'il reste de l'enfance (la puberté apparaît un peu plus tôt chaque année et l'Age de Déraison adulte débute dès que les enfants ont appris à devenir de bons petits consommateurs) dans ce qu'il reste de la presse écrite."

     THAT'S ALL FOLKS !

    Nathalie

  • DODGERS, Bill Beverly - roman policier

    LE MOT DE L'EDITEUR : 

    East, quinze ans, est chef des guetteurs devant la taule, une maison où l’on vend et consomme de la dope, dans un ghetto de Los Angeles.

    On ne saura jamais pourquoi ni comment, car la petite bande n’a rien vu venir, mais un jour les flics débarquent.

    La taule est fermée, East doit se racheter.

    En allant dans le Wisconsin éliminer un juge, témoin compromettant. Accompagné de son frère Ty, douze ans et complètement fêlé, d’un pseudo-étudiant et d’un gros plutôt futé. Sans armes, avec de faux papiers et quelques dollars en poche.

    À bord du monospace bleu pouilleux qui quitte le soleil californien pour le froid des Grands Lacs, l’ambiance est de plus en plus crispée. Et, à l’arrivée, rien ne se passera comme prévu.

    Roman noir écrit au cordeau, voyage initiatique qui infléchit les destinées, Dodgers fait penser à The Wire et à Clockers. Mieux : il y a là une tonalité poignante, une poésie tragique, un je-ne-sais-quoi d’électrisant tout à fait uniques.

     

    Bill Beverly a grandi à Kalamazoo (Michigan) et fait ses études à l’Université de Floride. Il enseigne la littérature américaine à la Trinity Washington University et vit dans le Maryland. Dodgers est son premier roman.

    Traduit de l’anglais (États-Unis) par Samuel Todd

    *

    A la fin de Dodgers, le jeune East reprend la route dans la Lincoln grise qu'on lui a prêtée pour rentrer au bercail : il a six jours pour filer le plus loin possible, toujours plus vers l'Est, je le regarde filer & mes yeux continuent de se perdre longtemps sur la ligne d'horizon qui l'a vue disparaître. C'est ce qui a dû arriver à Bill Beverly à la fin de la lecture du roman de Richard Price, Clockers, au point de créer un personnage proche du jeune vendeur noir de drogue dans les rues d'une banlieue de New York & de lui offrir une porte de sortie. 

    La tentation est grande, en effet, d'inventer un souffle d'air, une bagnole, un peu de douceur pour ces gosses qui ne sont rois que d'un coin de rue & n'ont jamais quitté leur quartier. On les retrouve, ces gosses, dans la série américaine Sur écoute (The Wire) devenue culte & dont le scénario de certains épisodes est justement assuré par Richard Price ou l'excellent George Pelecanos.

    Toutes ces références sont à retrouver à la médiathèque...

    Nathalie

  • MOI, JEAN GABIN, Goliarda Sapienza - roman adulte

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    ou l'enfance de l'art (de la joie...)

    LE MOT DE L’ÉDITEUR :

    La ville de Catane, en Sicile, au début des années 30. Le fascisme se déploie sur l’île, quand une enfant ressort exaltée d’une salle de cinéma de quartier. Elle a la démarche chaloupée, une cigarette imaginaire au bec et l’œil terrible. Elle vient de voir le film Pépé le Moko et, emportée par cette incarnation du désir et de l’insoumission, elle n’a désormais plus qu’une idée en tête : être Jean Gabin.
     
    Écrit par l’auteur de L’Art de la joie dans les dernières années de sa vie, à un moment où son œuvre demeurait méconnue, Moi, Jean Gabin est un étrange roman autobiographique, l’histoire magnifiée d’une enfance dans la Sicile de l’entre-deux guerres. Véritable testament philosophique, ce livre se révèle être un des plus beaux textes de Goliarda Sapienza, un éloge à la liberté et aux rêves qui ont précocement nourri sa vie.

    *

    Le ton de Goliarda Sapienza est unique, il se nourrit de sa façon d'être au monde, de son histoire dont l'enfance est narrée ici avec la jubilation fantasmée de la nostalgie & la radicalité d'un esprit laissé à sa liberté.
    Et puis, et puis, Goliarda Sapienza déborde de vie, tout ce qu'elle écrit, tout ce qu'elle vit est intense & cette intensité est contagieuse.

    De Goliarda Sapienza à la médiathèque...

    Nathalie

  • A CE STADE DE LA NUIT, Maylis de Kerangal - récit

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    LE MOT DE L’ÉDITEUR :

    Lampedusa. Une nuit d’octobre 2013, une femme entend à la radio ce nom aux résonances multiples. Il fait rejaillir en elle la figure de Burt Lancaster – héros du Guépard de Visconti et du Swimmer de Frank Perry – puis, comme par ressac, la fin de règne de l’aristocratie sicilienne en écho à ce drame méditerranéen : le naufrage d’un bateau de migrants.
    Écrit à la première personne, cet intense récit sonde un nom propre et ravive, dans son sillage, un imaginaire traversé de films aimés, de paysages familiers, de lectures nomades, d’écrits antérieurs. Lampedusa, île de littérature et de cinéma devenue l’épicentre d’une tragédie humaine. De l'inhospitalité européenne aussi.
    Entre méditation nocturne et art poétique À ce stade de la nuit est un jalon majeur dans le parcours littéraire de Maylis de Kerangal.

     

    Publié une première fois en 2014 aux éditions Guérin, ce court texte de l'auteure de Réparer les vivants reparaît aujourd'hui aux éditions Verticales dans leur bien nommée collection "minimales".

    *

    Chaque chapitre débute par "à ce stade de la nuit". Suit une remémoration au fil des images qu'inspire à la narratrice ce mot palimpseste de Lampedusa. Page 41, elle se souvient qu'elle lisait Le Chant des pistes de Bruce Chatwin alors qu'elle traversait la Sibérie en train. "A l'origine du monde, un ancêtre créa la piste, engendrant toute chose en chantant son nom, si bien qu'aujourd'hui l'aborigène qui emprunte de nouveau ce chemin, et chante, renoue-t-il avec son origine tout autant qu'il recrée le monde. Chaque phrase musicale d'une songline fait ainsi voir un segment de sentier, chaque élément du paysage ressaisit un épisode de la vie de l'ancêtre, un moment de l'histoire du groupe humain".

    Plus tard, page 45 : " Cette nuit-là, surexcitée, j'ai imaginé que les songlines aborigènes, une fois rassemblées, composaient une représentation quasi intégrale de l'espace australien et servaient de topo-guide à quiconque désirait le pénétrer, et s'y déplacer ; j'ai visualisé les parcours innombrables qui s'entrecroisaient à la surface de la terre, ce maillage choral déployé sur tous les continents, instaurant des identités mouvantes comme des flux, et un rapport au monde conçu non plus en termes de possession mais en termes de mouvement, de déplacement, de trajectoire, autrement dit en termes d'expérience. J'ai divagué sur un chant qui décrirait, énumérerait, ramasserait toutes les songlines  en une seule forme, ce chant du monde."

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    *

    Tout ça se passe de commentaires, non ?

    Les oeuvres de Maylis de Kerangal à la médiathèque

    Nathalie

     

  • LE MYSTERE, Rebecca Cobb - album jeunesse

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    Le mystère...

    et la joie de l'attente quand elle sait se faire promesse...

     

    "C'est chouette que quelque chose soit venu habiter chez nous. 
    Je ne sais toujours pas ce que cela peut être... mais je vais continuer à faire le guet... 
    J'attendrai... au cas où..."

    http://mediathequedeguer.opac3d.fr/search.php?action=Basket&method=admin_view_html&pid=3688

    Nathalie

  • LES LIVRES PRENNENT SOIN DE NOUS, Régine Detambel - essai

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    Cliquez sur l'image!

    *

    Cet essai précise son enjeu en sous-titre : "Pour une bibliothérapie créative". Mais pas d'inquiétude : nous n'avons pas à faire à un livre de recettes avec liste d'ingrédients obligatoires. Tout juste trouve-t-on en souriant quelques prescriptions de la psychothérapeute française Lucie Guillet qui chercha après-guerre à expérimenter les effets bénéfiques de la poésie sur le psychisme des nerveux et emprunte les fragments qui soulagent "à Corneille pour son côté stimulant, tonique, ses vers rythmés et mémorisables ; à Racine dont la bonne musique équilibre les irritables ; à Boileau, remarquable régulateur pour instables et agités",...

    Quant à Régine Detambel, cherchant à faire le point sur sa pratique, elle revient surtout aux sources théoriques qui l'ont nourrie et à la dette que tout lecteur et/ou écrivain ressent le besoin d'exprimer envers une littérature capable de changer les contours d'une existence, de l'authentifier, la réparer, de lui offrir à la fois protection et ouverture, Weltinnenraum (Rilke), espace intérieur du monde... Sa dette doit être immense puisque sa conviction est communicative et puis, il n'y a pas à dire, je ne connais rien de mieux, de temps en temps, pour réactiver la machine et nager encore un peu mieux dans le bonheur de lire qu'un bon livre qui parle des livres, effet miroitant, narcissique qui met du baume à l'âme et redonne de l'allant - comme un bon livre quoi!

     

    *

    Pourquoi ça marche ?

    Parce que les hommes s'efforceront toujours de faire partager les expériences qui les touchent le plus profondément.

    Parce que, de la naissance à la vieillesse, nous sommes en quête d'échos de ce que nous avons vécu de façon obscure, confuse et qui quelque fois se révèle, s'explicite de façon lumineuse et se transforme grâce à une histoire, un fragment, une simple phrase. Nous avons soif de mots pour permettre l'élaboration symbolique. Nous avons tous besoin de médiation, de représentation, de figuration symbolique pour sortir du chaos, intérieur ou extérieur. Tous, nous échafaudons des romans pour raconter notre séjour sur terre. C'est le propre de la narration que d'effacer l'idée même que le monde soit fragmentaire ; elle n'a sans doute pas d'autre but et c'est l'essentiel de la jouissance qu'elle procure. Elle comble les vides et ne joue des ellipses que dans l'éclat des transitions.

    (p.91-92)

    Lire, c'est avoir le pouvoir de se concentrer, de retenir, ne pas oublier qui parle, ce qui vient de se passer. Alors je me déconcentre, brutalement, pour me prouver que je suis capable d'avoir un pied dans chaque monde. Je lève la tête, je secoue le livre, je soupire parce que la phrase était belle, je répète quelques mots pour être sûre que ma mémoire atteint ma bouche. Je regarde dehors, je reviens au livre : cela s'appelle accommoder. Passer ainsi d'un monde si proche à un monde tellement lointain, s'accommoder du réel et de la fiction, avec la même aisance, c'est vivre heureux.

    (p.112)

    *

     http://mediathequedeguer.opac3d.fr/s/search.php?action=Basket&method=admin_view_html&pid=3286

    Petite bibliographie sur les lecteurs, tous disponibles à la médiathèque :

    http://mediathequedeguer.opac3d.fr/s/search.php?action=Basket&method=admin_view_html&pid=3285

    Enfin, pour en savoir plus sur la bibliothérapie :

    http://ie-bib.fr/

    Nathalie

  • ADAM & THOMAS, Aharon Appelfeld - roman jeunesse

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    ou comment deux enfants cachés dans la forêt apprennent à vivre, entre confiance, peur et questionnements...

    *

    LE MOT DE L'EDITEUR :

    Quand la mère d'Adam le conduit dans la forêt, elle promet de venir le chercher le soir même. « Aie confiance, tu connais la forêt et tout ce qu'elle contient », lui dit-elle. Mais comment avoir confiance alors que la guerre se déchaîne, que les rafles se succèdent dans le ghetto et que les enfants juifs sont pourchassés ?

    La journée passe.

    Adam retrouve Thomas, un garçon de sa classe que sa mère est également venue cacher là. Les deux gamins sont différents et complémentaires : Adam sait grimper aux arbres et se repère dans la forêt comme s'il y était né. Thomas est réfléchi et craintif. À la nuit tombée, les mères ne sont pas revenues. Les enfants s'organisent et construisent un nid dans un arbre. Ils ignorent encore qu'ils passeront de longs mois ainsi, affrontant la faim, la pluie, la neige et le vent, sans oublier les questions essentielles : qu'est-ce que le courage ? Comment parlent les animaux ? D'où vient la haine ? À quoi sert l'amour ?

    *

    Tous les enfants construisent des cabanes, j'ai construit des cabanes et rêvé de pouvoir vivre dedans, cachée, libre & en paix... Je ne sais pas si Aharon Appelfeld a eu le temps de rêver de cabanes avant d'être envoyé en 1941, à l'âge de 9 ans, dans un camp de concentration d'où il s'échappe pour survivre dans la forêt puis chez un paysan en attendant la fin de la guerre.

    A 80 ans, le poète et romancier israélien publie son premier livre pour enfants, confiant qu'il avait envie de retrouver quelque chose de l’enfance à l’état brut. Les adultes sont effectivement très peu présents dans ce roman et c'est bien ce mélange inimitable de l'enfance fait de sens pratique, de capacité d'émerveillement et de mysticisme qui permet aux deux garçons du livre de survivre à la guerre.

    Un nid n'est pas une cabane : c'est un refuge ouvert et suspendu, poste idéal pour guetter le danger aussi bien que les appels à l'aide. Adam & Thomas ne se contentent pas de se cacher et de survivre, ils portent secours aux hommes blessés, pourchassés par l'ennemi, qui croisent leur chemin. C'est ainsi qu'ils deviennent, selon la formule de leurs obligés, des anges.

    Aharon Appelfeld a forcément puisé dans ses souvenirs pour écrire cette histoire. Cet apport du réel suscite toujours de l'intérêt et ajoute en intensité pour l'adulte que je suis et qui a lu d'autres oeuvres de l'écrivain (toutes inspirées de cet épisode fondateur). On sent comme il a dû se faire plaisir aussi à "augmenter" le souvenir pour le rendre plus vivable (le garçon seul qui devient dans l'histoire inventée 2 garçons liés bientôt par une tendre amitié en est l'exemple le plus frappant) et à mâtiner le réel d'une ambiance de conte pour conjurer la peur. Mais c'est avant tout l'enfant en moi qui a été attiré par cette histoire de survie dans les bois. Une lecture par des enfants (je dirais à partir de 10 ans) devrait susciter des questionnements que l'adulte pourra accompagner mais devrait assouvir aussi il me semble leurs besoins, rêves et questionnements puisque le récit se situe bien à hauteur d'enfant.

    Je suis preneuse de retours de lecture...

    *

    Pour aller plus loin, un entretien avec Aharon Appelfeld et une analyse de son livre par l'Ecole des lettres :

    http://www.ecoledeslettres.fr/blog/litteratures/entretien-avec-aharon-appelfeld-a-propos-de-son-premier-livre-pour-la-jeunesse-adam-et-thomas-par-valerie-zenatti/

    Et bien sûr, les références complètes et la disponibilité de l'ouvrage sont visibles là :

    http://mediathequedeguer.opac3d.fr/s/search.php?action=BasketRecord&method=search

    Nathalie